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jeudi 13 septembre 2007

13 septembre 2007
''Espaces et Espèces''
Le Phénomène Humain (1)
Note de l'éditeur:
Le lecteur trouvera ici le premier chapitre du livre '' Espaces et Espèces '' publié en 2004 et toujours disponible, par Internet sur ce site.
La suite au 27 janvier 2008 (2)
La physique considérée comme une mystique amusante.
Et au 23 avril 2008 (3)
Le Paradoxe Fermi




Seconde édition pour Internet
Copyright Julien Maréchal

Corporation des Premières Assises Mondiales
sur la Condition Humaine. RALLYE 2000, Qué. Inc. (1998)

Dépôt légal, troisième trimestre 2004
Bibliothèque Nationale du Québec
Tous droits réservés pour tous pays.
ISBN 2-922314-03-0



Julien Maréchal


CHAPITRE PREMIER

Le Phénomène Humain

‘’ Si vous souhaitez réinventer la roue, citez les autres, si vous voulez qu’elle roule dites quelque chose.’’
J’aborde aujourd’hui ce volet qui traite du phénomène humain, pris comme un particularisme, au milieu des quelques trente millions d’espèces vivantes, qui cohabitent sur notre planète depuis des milliers de siècles.
Nous avons, en tant qu’êtres vivants doués de la faculté de penser (nous ne sommes surement pas les seuls dans ce cas) un certain nombre de traits qui nous distinguent fondamentalement des autres espèces vivantes. Je pense bien évidemment ici plus aux autres espèces animales plutôt qu’aux plantes, alors que bien évidemment, en tant que vivants, nous partageons aussi avec les plantes des caractéristiques qui nous sont communes. Je prendrai le temps nécessaire pour élaborer sur ce sujet quand la nécessité ou le besoin, s’en fera sentir.
J’ai très souvent eu l’occasion de lire, particulièrement dans des exposés qui faisaient le point sur la recherche anthropologique, qu’en tant qu’humains, nous avions des facultés particulières qui nous distinguaient complètement de tout ce qui respire rampe sautille court vole plane ou nage sur notre planète.
Il y a une quarantaine d’années, les anthropologues me donnaient le sentiment que la recherche de nos origines avait pour principal souci de chercher et de trouver dans notre patrimoine ancestral, tous les éléments qui devaient expliquer le fait humain. Et surtout débusquer de la somme des découvertes exhumées de tous les passés ce qui expliquerait en quoi, et surtout pourquoi, nous sommes une espèce vivante si singulière, si atypique au sein de la vie. Regardons tout cela de plus près.
On ne parle jamais du phénomène félin, ou du phénomène crustacé, ou encore du phénomène végétal, sauf quand on découvre ce qui semble être une anomalie au sein de manifestations codifiables et classifiables. L’être humain, quand on l’étudie à travers les âges, se présente d’abord comme une espèce originale certes, mais qui n’est pas différente des autres espèces de primates et d’hominiens.
Chaque espèce a ses particularismes et en les comparant on arrive à établir pour l’espèce humaine des constats qui relèvent des mêmes vicissitudes, des mêmes avatars qui expliquent son évolution, autant pour les individus que pour l’espèce. Ces détails évolutifs sont différents d’une espèce à l’autre, mais ils se ressemblent en tant que détails justement.
Puis, quelque part au cours des millénaires, le phénomène humain s’affirme d’abord, se singularise de plus en plus, et devient de moins en moins solidaire des autres espèces d’animaux.
L’humain se détache tranquillement des autres animaux et prend aussi ses distances de ses frères primates et autres singes. L’animal humanoïde, tout en ne cessant jamais de rester un primate qui évolue en tant que tel, devient aussi et de plus en plus, un humain.
C’est cette distinction qui en fait alors autre chose qu’un animal, tout en le restant. Le Darwinisme a fait table rase des attributs divinisés des humains et a placé l’homme au sein de l’évolution. Malgré quoi l’humain demeure on le voit bien, absolument phénoménal en tant qu’espèce, dont la «culture» en fait une anomalie au milieu de l’avènement du vivant sur cette planète.
En fait, bien que notre organisme soit, au-delà des différences cosmétiques qui nous distinguent des autres animaux, forcément doté de caractéristiques qui lui soient propres, au fond nous sommes essentiellement semblables à toutes les espèces qui nous entourent. Ce qui nous apparente aux vers de terre, aux mouches, aux oiseaux, et à tous les animaux «supérieurs» qui occupent ici et là des niches écologiques.
Notre morphologie nous est particulière, mais pas au point où nous ressortions de manière époustouflante des autres espèces animales. Nous sommes singuliers certes, mais au fond, toutes les espèces sont singulières. En se moquant gentiment de nos travers, nous pourrions dire en somme, que notre singularité est ce qui nous apparente le plus aux autres singularités. De toute évidence nous avons également quelque chose que les autres espèces animales n’ont pas.
Nous avons tous en commun une certaine singularité. Ce n’est plus un secret pour personne de devoir constater depuis que la vie existe sur Terre, que tous les individus de toutes les espèces qui nous ont précédé, sous quelque forme que ce soit, sont en quelque sorte nos parents. Cousins éloignés ou proches.
Nous formons tous des chaines moléculaires ayant l'hydrogène l'oxygène et le carbone pour bases. Nous sommes aussi des gras (lipides) des sucres (glucides) de l’eau (H2O) et tout un tas de minéraux et d’éléments répandus dans la Nature.
Notre organisation «organique» est faite comme toutes les structures vivantes, à partir des montages chimiques extrêmement subtils de l’ADN et de l’ARN (acides désoxyribonucléiques, et acides ribonucléiques). En ce sens nous sommes absolument conformes à cette organisation de la matière qu’est la vie. Il est essentiel pour la compréhension de ce qui va suivre de ne pas perdre ce constat-là de vue. Au besoin, on le répètera.
Cette vie, autrefois mystère opaque, l'est de moins en moins selon les critères antiques, au fur et à mesure qu’on en pénètre les configurations, et qu’ainsi on en désarticule les mécanismes. Lors, c’est maintenant sa spectaculaire complexité qui fait notre émerveillement, là où autrefois c’était son énigmatisme qui troublait nos ancêtres, et bien évidemment leur troublait aussi l’esprit.
Je suis partisan d’un perpétuel révisionnisme, surtout en matière d’histoire, et particulièrement l’histoire des sociétés humaines. En fait, en l’étudiant, la condition humaine gagne à être démystifiée. Le fait de démonter les arrangements les plus subtils de l’être humain, fait reculer les vieux mystères sacralisés dans les terreurs de l’ignorance, et permet à l’émerveillement, lié à la compréhension de la nature humaine, de s’épanouir. Au fond ce qu’on perd en sacré, on le gagne en conscience et en ébahissement devant le phénomène humain. L’interrogation perpétuelle au sujet de ce que nous sommes, et avec cette interrogation, les réponses que nous trouvons, font reculer l’horizon de la connaissance.
Ce n’est pas rien, c’est là l’essence même du grand paradoxe cette connaissance, qu’on veut bien par ailleurs, ici et là, appeler aussi Science, avec un grand S. Contrairement à l’idée reçue qui veut que plus on en apprend sur nous, moins on en sait, le véritable paradoxe de la connaissance s’énonce ainsi :
Plus on en découvre, plus on en apprend. Plus on en apprend, plus on en sait. Plus on en sait, plus on en a à découvrir, plus on en a à comprendre. Et ainsi de suite.
Chaque étape de la connaissance élargit le glacis du savoir. Ainsi l’espace, le volume de la connaissance s’enfle géométriquement, au fur et à mesure qu’on progresse. L’aventure du savoir est la plus émouvante de toutes les aventures.
Manière d’illustrer mon propos, nous nous trouvons un peu dans la situation d’un aérostier montant vers l’azur avec son ballon, qui voit l’horizon s’étendre de manière spectaculaire, fabuleuse, alors que ses progrès verticaux demeurent somme toute, assez modestes. Au niveau de la mer, l’horizon par temps clair à cause de la courbure de la Terre, limite la vision à quarante kilomètres (plus ou moins vingt-cinq miles).
Pour cet aérostier, le mouvement ascendant de son ballon recule formidablement cet horizon. À mille pieds (quelque trois cents mètres), l’horizon est déjà à plus de 100 kms (soixante miles) et à trois milles mètres (10,000 pieds) l’horizon est si lointain qu’on ne le voit plus, même avec les meilleures jumelles marines. La terre, la mer et le ciel se confondent dans un brouillard qui doit se trouver à plus de trois cents kms (180 miles). Cette simple image pour tenter de montrer qu’il en va de même avec le savoir. Une petite ascension, une modeste élévation de l'esprit provoque un élargissement des champs de la connaissance absolument sans commune mesure avec les progrès accomplis. Petites causes, grands effets.
Plus on s’élève lentement dans la sphère de la connaissance, plus sa base s’élargit formidablement, plus le volume du potentiel de savoir s’étend et s’enfle, jusqu’à devenir prodigieusement incommensurable. Pour saisir ensuite la complexité du Monde qui se dévoile ainsi à nos yeux (alors que nous sommes en proie à une sorte de vertige des hauteurs) il faut changer de registre d’appréciation. Nos sens de la vue, de l’odorat, de l’ouïe, atteignent là une sorte de palier où deux fois plus, n’est pas vraiment discernable de vingt fois plus. Il y a là un effet de saturation de nos sens. Pour vraiment être capable d’en comprendre plus, il nous faut améliorer considérablement nos sens. Les stimuler, les rendre plus efficaces. On monte en ballon vers l’azur comme on descend en plongée dans les profondeurs océanes. Il faut faire des paliers, et s’équiper en conséquence. Le vertige des hauteurs est comparable à l’effroi de l’abîme.
D’où la nécessité de ces inventions, ces machines, ces instruments, de plus en plus complexes, qui vont nous permettre de saisir le Monde qui nous baigne, en faisant agir non plus seulement tel ou tel sens, mais tous les sens en les amplifiant, et surtout en faisant agir ce gros viscère qui les résume tous, le cerveau. Le cerveau pris comme entité habitant un corps, et tout le corps avec. C’est d’ailleurs une chose très étrange que nous ayons le sentiment d’habiter notre corps comme s’il nous était prêté. La dissociation entre l’esprit et le corps est un constant sujet d’étonnement, surtout chez les artistes, qui puisent dans cette dualité corps esprit, matière à s’enthousiasmer de leurs contradictions. S’ils y trouvent souvent de l’extase, ils y trouvent aussi du désespoir et de la maladie.
L’élargissement constant du savoir fait de tout le corps humain un formidable outil capable d'intervenir sur la Nature. Le corps appréhende de plus en plus de choses, et ainsi améliore par un effet d’action réaction perpétuel, sa capacité à saisir un Univers de plus en plus complexe. Lequel se dévoile de façon spectaculaire, et des milliards de fois plus mystérieuses que tous les prétendus mystères véhiculés par exemple par les antiques religions, encore tyranniques, et qui perdurent en dépit de leur consternante inaptitude à rendre compte du phénomène humain.
Il serait donc plus juste de dire, qu’en fait, c’est notre capacité à débusquer de la connaissance et de la traduire en culture, qui au fil des siècles aura distingué notre espèce des autres. A bien y penser, ce n’est pas si simple que ça. Il serait tout à fait abusif au regard des connaissances actuelles, de prétendre que les humains sont les seuls à fabriquer des outils, de même qu’ils seraient les seuls à produire des langages, soit en signes ou en sons ou les deux. Il existe et cela se prouve, des cultures animales transmissibles, avec des particularismes locaux.
C’est ici que s’insère dans cette réflexion le setiment religieux qui nous accompagnera parfois au cours de cette réflexion. Il semble qu’il n’y a que les humains qui aient accouché de ce sentiment. Bien que chez certaines espèces animales très évoluées, comme les éléphants par exemple, on pense qu’il y a là aussi un sentiment de soi qui s’apparente à quelque chose de ce genre.
Je ne suis pas religieux du tout. Je suis une sorte d’agnostique pour qui la seule idée de m’identifier à un courant religieux m’est parfaitement odieuse. Je suis un non croyant, un sceptique convaincu. Je veux être ici très clair sur ce sujet, tout en évitant de lui accorder plus d’importance qu’il n’en faut. Puisque j’ai ici la prétention de traiter du phénomène humain, il est bien évident que le sentiment religieux fait partie de l’étude proposée. À défaut d’être religieux au sens conventionnel du terme, je me situerais du coté des humanistes, mais pas n’importent lesquels. Quand il s’agit de réfléchir, je garde mes distances avec tout le monde.
Au fond voyez-vous, la religion a réponse à tout. La science au contraire remet tout en question. Je voudrais ajouter ici que je sais qu’il y a des courants atypiques de recherche féconds, étrangers à toute dérive religieuse, j’en connais. On trouve ici et là des individus qui réfléchissent à ces questions et qui le font librement.
Nous sommes en train de reconfigurer l’humanisme des siècles passés, à la lumière des développements scientifiques des cinquante dernières années. La ligne de partage entre les croyances et le savoir est très trouble. Le concept de science n’est pas exempt d’irrationalité, et il faudra constamment, sous une forme ou une autre revenir sur cette notion de savoir. Bien que certaines choses paraissent parfois incontestables, il faut garder à l’esprit que tout est contestable, et qu’il ne s’agit pas ici d’une banalité ou d’une simple boutade.
Si vous en avez l’occasion, et aussi la patience, relisez l’histoire de la philosophie et plus particulièrement celle des Grecs qui constitue une expérience humaine exceptionnelle et une référence incontournable.
Soyez quand même prudents. Depuis plus de deux millénaires que l’on se réfère aux Grecs, leur antique culture a fini par provoquer dans les esprits une sorte de trouble diffus qui brouille parfois la compréhension d’un phénomène.
C’est parce que la glose millénaire qui prend la philosophie pour sujet est phénoménale. La somme des écrits qui depuis plus de deux milles ans reprend les arguments des anciens Grecs, est abominablement enflée de dizaines de milliers de commentaires, lesquels constituent le discours officiel sur la philosophie. Il est extrêmement difficile pour un esprit non averti d’arriver à faire la part des choses entre les milliers de protagonistes qui utilisent la pensée grecque pour réfléchir.
Vous constaterez que les notions socratiques du bien et du mal, du beau et du laid, ainsi que celles du vrai et du faux, sont toutes fausses. Pour Socrate et les platoniciens, il existait une relation étroite, indissociable entre le beau et le vrai, et ce qui était beau et vrai était forcément bien. Plus personne aujourd’hui n’oserait soutenir un tel point de vue, sous peine de passer non seulement pour un ringard, mais pour un fasciste.
Il y a des beautés qui sont criminelles, des vérités qui sont laides et même atroces, et le bien n’est pas toujours celui qu’on pense. Il y a des choses parfaitement laides qui sont bien, si je puis dire, et des mensonges qui sont préférables à des vérités. On devrait, avant de penser, étudier le viscère qui pense. Lorsque nous pensons, nous faisons comme les enfants qui apprennent à marcher ou qui apprennent à parler. Les enfants n’étudient absolument pas la mécanique des jambes pour arriver à marcher, et encore moins la grammaire pour parler. Ils parlent par imitation, par association, et marchent parce que leurs parents et leurs entourages marchent.
Quand on lit des tas de bouquins, au sujet du cerveau, on est frappé par l’espèce de pudeur dans l’énoncé qui entoure ce viscère, dont les fonctions, autant chez l’animal que chez l’humain, sont encore nébuleuses, mal comprises.
C’est «le» viscère mystérieux par excellence. On sait qu’il s’agit d’un grand centre nerveux, et que c’est au sein de son fouillis de neurones et de dendrites, qu’est concentré l’essentiel des facultés qui rendent compte des sens. Ceci posé, le cerveau est d’une telle complexité, qu’au fond on ne sait pas vraiment ce que sont ces sens. Encore moins le rôle que joue le cerveau dans l’aménagement de la pensée, de la conscience.
Il y a très peu de spécialistes qui osent s’aventurer, au-delà de constats cliniques sur la meilleure manière de définir un cerveau. On connait plusieurs de ses fonctions, on en décortique chaque jour de nouvelles. En fin de compte, si la connaissance du cerveau progresse à pas de géant, sa complexité en se dévoilant ainsi pose aux chercheurs de plus redoutables problèmes qu’elle n’en résout. Je pense toutefois qu’il arrivera certainement un moment où cette compréhension, permettra de répondre à la plupart des questions actuelles ayant trait à la «mécanique» cérébrale. Nous en sommes, et pour longtemps encore, à faire l’inventaire toujours changeant de ses manifestations physiologiques. Je suppose ici qu’il se trouvera bien un jour une personne plus informée, plus poète que d’autres, qui proposera une nouvelle approche de la compréhension du cerveau.
Pour ce qui est de la psychologie cérébrale… alors là ? Plus de six mille cultures ayant leur langage propre ! Bientôt huit milliards d’individus ! Des centaines de milliers de sociétés ayant leur histoire propre, et qui évoluent entre elles. Je veux bien penser qu’on arrivera dans ce domaine à quelques constats amusants.
Ce n’est pas trop de dire ici qu’il faudra toujours examiner tout ça avec beaucoup de prudence. Une psychologie de la cervelle humaine qui prétendrait rendre compte de l’entièreté de ses bouillonnements, j’allais dire de ses extravagances, ne saurait être qu’un totalitarisme de plus, qu’il faudrait bien évidemment combattre. Déjà qu’avec le freudisme on en a plein les bras en fait de dogmes psychanalytiques. Pas besoin d’en rajouter.
Si complexe que soit le cerveau, on arrivera éventuellement à en faire la cartographie. Ce qui ne veut pas dire qu’on aura alors tout compris à son sujet. Les chercheurs arriveront à dresser un catalogue crédible sinon exhaustif de sa chimie, avec sa physiologie. Probablement aussi la liste de l’ensemble de ses manifestations. Ainsi que les rapports entre ces manifestations et le corps humain tout entier.
Il en ira de même pour tout l’organisme humain. Celui-ci n’étant pas infini, il est raisonnable de penser qu’en définitive, quelques milliers de chercheurs arriveront un jour à en expliquer de manière convaincante les plus fines structures. C’est alors que se posera avec encore plus d’acuité, le véritable problème de son origine, et de sa raison d’être. Si tant est dans un Univers infini (je devrai revenir sur cette notion d’infini) qu'une telle interrogation puisse avoir du sens.
Quoi qu’il en soit l’humain qui s’observe et qui doute de lui-même, est placé devant le plus formidable défi méditatif qui puisse exister. C’est le vieux problème du qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je ?
A l’heure actuelle, des milliers de milliards d’éléments d’informations, nous permettent déjà de nous faire une idée de ce qu’est le cerveau. Dans dix ans on en saura mille fois plus, et dans un siècle les connaissances actuelles à son sujet auront probablement l’air d’être parfaitement naïves.
Il faudra bien le comprendre ce cerveau, et alors là! Quel esprit arrivera à synthétiser l’intelligence diffuse et confuse que nous avons maintenant de notre cerveau ? Nous avons besoin d’un nouveau (nouvelle) génie de la cervelle.
Depuis trois millénaires que les mâles font la pluie et le beau temps dans l’opinion du savoir, il est temps que les femmes prennent leur place. Ceci étant dit, s’il ne se trouve pas de femme pour expliquer la condition humaine, alors va pour un homme. Je ne vais pas faire le difficile pour une question de sexe. Revenons au cerveau.
Il y a au sujet de cet organe, plus de croyances que de données factuelles fiables. C’est toujours avec énormément de points d’interrogations que les vrais chercheurs en explorent les méandres, en analysent les fonctions, et tentent d’en dévoiler les arcanes. Au-delà de ses manifestations chimiques, le cerveau constitue une très étrange et très mystérieuse construction dont les manifestations sont plus qu'étonnantes pour le chercheur. Elle sont vraiment au sens propre du mot, renversantes.
Prenons ici la problématique de l’éveil versus le sommeil. Saviez-vous par exemple, que si on connait la plupart des mécanismes du sommeil, personne ne sait exactement à quoi sert le sommeil ? Pourtant tous les animaux dorment, même les mouches.
Étonnant non ? Pas vraiment. On a longtemps cru que pendant le sommeil, le cerveau était au repos, qu’il devait être un peu plus léthargique qu’à l’état de veille. Or il n’en est rien. Quand on dort le cerveau lui continue de performer. Bien que ses manifestations soient profondément altérées. En fait, quand on dort, le cerveau ne dort pas vraiment. Il fait autre chose qu’à l’état de veille, mais que fait-il au juste ?
La réponse à cette question exigerait ici une analyse si complexe, qu’elle nécessiterait à elle seule un bouquin, dont la taille dépasserait considérablement ce propos qui se veut un survol de quelques aspects de la condition humaine. Il y a un chercheur du nom d’Allan Robson qui a sur les activités du cerveau, à l’état de veille comme à l’état de sommeil, des vues tout à fait remarquables, et qui valent le détour, pour ceux et celles qui voudraient en savoir plus.
Je me souviens, quant à moi, avoir été littéralement fasciné vers l’âge de douze ou treize ans par un livre sur le sommeil, écrit par le Docteur Paul Chauchard en 1947, et qui s’intitulait : «Le sommeil et les états du sommeil» publié chez Flammarion.
Je ne sais pas ce que pourrait représenter de nos jours le sujet «sommeil» du Dr Chauchard. Peut-être est-il complètement dépassé. Je n’étais pas bien grand pour lire de pareils machins, mais je note cet épisode parce que malgré mon très jeune âge le ton autant que le sujet m’avait touché. Je suppose qu’il y avait là des réponses à des préoccupations complexes qui commençaient à peine à émerger chez moi.
Il y a des différences de tailles considérables du cerveau d’une espèce à l’autre et les constats à cet effet sont déroutant. Ce ne sont pas les plus grands animaux qui ont les plus gros cerveaux. Ainsi, tâcher d’établir un parallèle entre la grosseur, même relative du cerveau d’un animal quelconque, et l’intelligence ou plutôt le degré de conscience de l’animal choisi, relève plus de l’acrobatie scientiste, que d’une démarche scientifique valable.
Dans le domaine de l’interrogation au sujet de la conscience, on passe vite du raisonnement fondé à la glose magique, pour en arriver trop souvent à l’élaboration d’un discours qui s’excite et qui s’égare dans les brumes de l’émerveillement candide.
Une fourmi n’a à peine qu’un tout petit ganglion cérébral, et pourtant, quelle merveille ! C’est la même chose pour une abeille. L’organisation «sociale» des colonies d’insectes donne la fièvre aux chercheurs qui se passionnent pour leurs activités. A l’autre bout du tableau des animaux, on trouve le plus formidable vivant qui n’ait jamais existé.
Ce vivant-là est un mammifère, considérablement plus gigantesque que les reptiles du temps des dinosaures. C’est la baleine bleue. Cette baleine possède un cerveau plus ou moins six fois plus gros que celui de l’humain, et à ce sujet on a souvent fait remarquer que comparativement à sa taille, ce cerveau est relativement petit, et que là encore l’homme l’emportait. L’emportait sur quoi ? On ne sait pas, probablement en vanité. Je suppose qu’on peut se permettre de passer un jugement quant à la valeur du cerveau de la baleine bleue du moment que c’est nous qui examinons la baleine et non pas le contraire. Ce n’est pas très important ici.
Ce genre de considérations comparatives me laisse quant à moi sur ma faim. Si on remarque que malgré sa taille, la baleine bleue est conforme dans son organisme à l’ensemble des mammifères, on comprend difficilement, mais enfin en faisant l'effort voulu on y arrive, pourquoi elle devrait avoir besoin d’un plus gros cerveau pour gérer l’ensemble de ses gros viscères. Existe-t-il un rapport direct entre la masse d’un animal et le nombre de cellules nerveuses nécessaires pour en gérer l’ensemble? Ma foi, n’étant pas biologiste je n’en sais rien. À moins que le gros cerveau de la baleine bleue ne lui serve à autre chose qu’à faire bouger sa masse, et qu’il soit le siège de manifestations étranges dont nous n’avons pas la moindre idée. On subodore certes que la baleine bleue, comme à vrai dire tous les vivants, est plus que du vivant, mais quoi ?
Certes la taille cérébrale exprime quelque chose. Le cerveau humain, six fois plus petit que celui de la baleine bleue, a su développer une conscience qui parvient à sonder les mystères de l’Univers. Qu’en est-il de la conscience de la baleine bleue ? Pas évident hein ! Une baleine bleue pense-t-elle ? A-t-elle, elle aussi, une conscience d’elle et des autres qui s’apparenterait dans un domaine encore à découvrir, à ce que nous appelons nous les humains la conscience ? Comment savoir, et pourquoi faire au fond ?
Si, comme plusieurs le pensent, le cerveau est le siège de la conscience, et que cette conscience est tributaire de son volume et du nombre de ses neurones, alors la baleine bleue doit avoir une conscience infiniment plus aigüe que celle de l’homme. Je me suis posé une question qui m'intriguait à savoir, si comme sa taille les cellules nerveuses du cerveau de la baleine étaient eux aussi plus gros que nos neurones, cela expliquerait simplement que son cerveau soit plus gros, mais s'il n'en est rien, alors cette baleine a plus de neurones que nous et alors...?
Ne devrait-on pas plutôt parler de perception, et encore là, de perception de quoi ? À quoi peut bien servir la conscience, une conscience, n’importe laquelle ?
Si de telles considérations sont mesurables ou le deviennent un jour, à quoi cela nous avancera-t-il ? En y regardant bien, on se rend compte qu’il y a quelque chose qui cloche du coté de l’analyse des valeurs relatives que l’on attache à tel ou tel organe. On peut se demander légitimement au fond, si le cerveau joue dans le domaine de l’intelligence, de la conscience, un rôle aussi prépondérant que certains le prétendent.
Loin de moi l’idée de vouloir discréditer les nobles fonctions du cerveau. Quand il est malade on sait à quels désordres l’organisme tout entier est exposé, mais il me semble, je le dis ici avec prudence, qu’il me parait plus évident à moi, que c’est le corps tout entier qui «est» la conscience. Le cerveau n’en serait ici, pour utiliser une métaphore, que la centrale.
Comme on dit, d’une centrale téléphonique par exemple, qu’elle est le cerveau d’un réseau. Personne de sensé n’irait affirmer que cette centrale «est» l’intelligence collective des utilisateurs. Je sais bien qu’une comparaison demeure une comparaison, et que toutes les comparaisons sont plus ou moins boiteuses, mais au fond n’en est-il pas de même pour toutes les affirmations, alors que nous tentons d’expliquer l’inexplicable ?
Certaines affirmations au sujet de la taille relative des cerveaux sont d’autant plus choquantes, qu’elles trahissent un parti pris parfaitement insupportable de niaiseries, qui nous sont sempiternellement servies.
Ainsi certains esprits particulièrement perspicaces nous font remarquer, avec l’air d’en avoir deux, que statistiquement parlant, le cerveau de la femme est plus petit que celui des hommes. Ah ! …Ah bon ! Qu’est-ce que ça prouve au fond ?
Cela prouve que ceux qui nous servent de tels constats ne le font pas innocemment. On voit
poindre ici le mufle (c’est le mot qui convient) de la bête humaine (du coté du mâle) et ce n’est pas très édifiant pour les hommes en général.
Autre niaiserie, alors que nous nous faisons si souvent dire que nous n’utilisons que dix % de nos neurones. En voilà une platitude ! Je ne compte plus le nombre de gens «sérieux» savants et commentateurs, qui ont osé et qui osent encore répéter une pareille ânerie. Nous ne connaissons pas l’ampleur de nos facultés. Nous ignorons presque tout du cerveau, mais nous saurions (on se demande par quel mystère) qu’à toute fin pratique nous n’en utilisons que dix % ?
Les bras m’en tombent. Pourquoi dix % ? Pourquoi pas onze, vingt-sept ou 2 % ? Quant à dire et proférer n’importe quoi ! C’est comme cette autre affirmation constamment resservie, que nous ne voyons que 10% d’un Univers qui par ailleurs est infini, nous dit-on du même souffle.
Dix % d’infini céty moins que 100 % ? Faites donc attention messieurs de l’Académie quand vous ouvrez la bouche. Je suppose qu’il doit y avoir de considérables variantes d’utilisation du bagage des neurones selon une culture ou une autre non ? N’est-ce pas la même chose d’un individu à l’autre ?
Que veut-on nous dire avec de pareilles choses ?
Que nous savons peu de choses au sujet du cerveau, du corps humain, de la condition humaine, de l’Univers ?
Ou bien que nous avons «pesé» d’une manière inexplicable en mots, l’ensemble des manifestations cognitives du cerveau, et que tous calculs faits cela ne rend compte que de dix % du potentiel utile des neurones ? Voilà qui n’est pas de nature à rassurer les amateurs, dont je suis, qui essayent tant bien que mal de se tenir informé au sujet des sciences qui évoluent constamment sous nos sens.
Veut-on nous informer oui ou non ?
Ma foi, si c’est là le propos, pourquoi ne pas le dire clairement au lieu de nous servir des insignifiances ?
Peut-on peser ou mesurer la pensée ? Bien sur que non. Alors puisque nous devons utiliser des mots et des chiffres pour qualifier cette pensée, évitons de choisir des formules qui obscurcissent le propos sous prétexte de tenter de simplifier à l’extrême. La Pensé est par essence, quelque chose qui ne se mesure pas en chiffres, et qui s’exprime avec la totalité encyclopédique de tout le savoir. C’est comme cela que les choses doivent être présentées.
Allons, je m’emporte pour rien. Nous sommes ici confrontés à des travers d’expression, à des limites langagières. Tout de même, un peu plus d’attention dans l’énoncé ne peut pas nuire. Surtout si nous voulons progresser dans cette connaissance, qui est notre propos. Bon !
Je vais donc essayer ici d'éclaircir ce propos malencontreux.

Cette histoire de 10 % est l'expression maladroite d’une analyse toujours plus précisée des phénomènes qui s’élaborent continuellement dans l’Univers. Il faut bien comprendre ici, même si cela peut paraitre puéril de le dire, que l’Univers n’est évidemment pas un objet qu’on peut mettre sur le comptoir d’un laboratoire pour l’examiner. Tout le monde comprend que le laboratoire, ici la somme de tous les chercheurs et expérimentateurs qui essaient de comprendre cet Univers, est contenu dans «l’objet» Univers qu’on veut inventorier.

C’est là une difficulté épouvantablement complexe. C’est comme si vous étiez un rouage d'une mécanique quelconque et que doué de raison, alors que vous êtes à l’intérieur du machin en question, vous tentiez de découvrir ce qu’il est avec toutes ses pièces, et aussi que vous tentiez de savoir à quoi il sert. Alors qu’il n’est qu’un élément compliqué d’une voiture par exemple, fabriqué par des humains qui habitent une planète qui est située au sein d’un système Solaire lui-même partie d’un Univers et ainsi de suite. Pas évident du tout.
On peut, à partir d’un point de vue particulier, arriver à déduire un ensemble de considérations qui permettent de reconstituer des choses apparemment inaccessibles, ou bien encore presque complètement disparues.
C’est ainsi que les paléontologues procèdent, lorsqu’ils tentent à partir d’un fragment d’os, de reconstituer toute la bête à laquelle cet os a appartenu.
On procède de la même manière avec l’Univers. On en observe ce qui est observable, on mesure des composés, on établit des correspondances de poids, de vitesse, de masse et ainsi de suite. Pour finalement s’apercevoir que dans un secteur donné, les calculs présumés, sur la base de théories fiables, ne collent pas. On devrait aboutir à des constats critiques et au lieu de cela on se trouve plongé au cœur d’une problématique à laquelle il manque un énorme pourcentage de résultats faute de données malheureusement encore totalement inconnues. Le moins que l’on puisse dire est que c’est fâcheux.
À partir de quoi notre perplexité augmente de manière logarithmique pour ainsi dire. Comme quoi l’Univers quoiqu’on en dise parfois, c’est tout de même un peu plus compliqué qu’un vieil os rongé par les millénaires.
Encore convient-il d’ajouter que la notion de temps nous réserve encore des surprises. Des fois qu’on découvrirait, à notre grand étonnement que le passé n’existe pas plus que l’avenir, et que l’Univers n’a jamais cessé d’être toujours tel qu’il était il y a quinze ou trente milliards d’années, parce que comme un enfant qui devient un adulte, celui-ci contient encore l’embryon qu’il était, et toute l’humanité qu'il a produit au cours des millénaires suivants. Que voulez vous ma bonne dame nous grandissons tous. On y peut rien.
Il faut donc admettre quelque part que les théories ne rendent compte que d’une toute petite partie des problèmes, et c’est dans cet esprit qu’on quantifie alors, de façon toute relative, la partie manquante du casse tête Univers.
On conçoit bien évidemment que l’Univers n’étant pas une chose simple, qu’il est tout naturel que nous soyons dans l’incapacité de le décrire complètement de manière satisfaisante pour l’esprit. Le problème n’est pas là.
Il se situe plutôt dans le domaine de la perception que nous avons de cet Univers, perception qui nous indique que ce sont nos sens à nous qui sont incapables de composer momentanément avec la problématique Univers. Loin de décourager les chercheurs, un tel constat les fait redoubler d’efforts. Il y a là un défi qui est de nature à stimuler considérablement le cerveau, la conscience, l’esprit humain.
Il faut alors apprendre à composer avec les limites évidentes de cet esprit qui doit alors se regrouper en «sur esprit» pour ainsi dire, et utiliser non plus les ressources du cerveau humain, mais bien les ressources combinées de tout un collège d’intelligences, capables de composer avec des disciplines multiples, et qui seront plus à même de saisir l’ampleur des défis, de manière ensuite à être capable d’en extraire un surcroit de savoir, plus susceptible alors de rendre compte de la chose étudiée.
Il faut fragmenter la recherche en disciplines élargies, qui doivent ensuite se regrouper pour éventuellement se fragmenter encore pour, encore une fois toujours se regrouper en «sur ensembles».
Mettons que c‘est pas simple. Mettons aussi que c’est autrement plus fascinant que de devoir s’accommoder d’une théorie limitée qui n’explique qu’une toute petite partie d’une problématique immense. Le seul fait que le cerveau humain soit capable d’élaborer une telle démarche, et d’arriver à mettre au point autant de protocoles d’enquêtes nécessaires pour arriver à débusquer d’un fatras aussi formidable de faits un Univers observable, (même en toute petite partie) est déjà un exploit qui personnellement me donne beaucoup de fierté. J’aime assez l’idée que l’esprit humain soit capable de très grandes choses.
Qu’est-ce au fond que la conscience ? De quoi s’agit-il, lorsque nous parlons de cette perception que nous avons de nous-mêmes, de notre entourage, pris au sens le plus large du terme ? En fait, qu’est-ce que nous voulons comprendre, lorsque nous nous efforçons de nous comprendre nous-mêmes, et avec nous, tout ce qui nous entoure, tout ce qui nous baigne ?
Je pose la question parce que depuis que j’existe, j’entends des milliers de voix qui clament l’inutilité de l’interrogation originale, alors qu’elles offrent des réponses toutes faites, qui pour ma part, depuis que je suis tout petit, ne me satisfont pas. Je ne veux pas de réponses faciles à des interrogations difficiles, et surtout pas des recettes éprouvées pour expliquer ce qui est et demeure inexplicable. Je suis une sorte de naïf atypique qui refuse constamment d’en rester un.
Il y a là une sorte de «vraie » question pas vrai ? Le genre de question que tout le monde se pose et qui enrage tout le monde. Essayons d’y comprendre un petit quelque chose. C'est sans doute plus facile qu'on le pense. Je pourrais généreusement dire ici, que tout individu capable de penser a, à un moment donné de son existence, tenté de comprendre le fait qu’il existe.
On s’entend généralement, toutes cultures confondues, pour dire chacun à sa manière, qu’il y a en chaque individu cette sorte de sentiment exaspéré appelé angoisse (au sens le plus sain que je pourrais donner ici à cette interrogation sourde) qui fait que chacun est plus ou moins stupéfait d’exister. Et que cela nous titille et nous exaspère quelque part.
Pardonnez-moi ici de devoir mettre un bémol, alors que j’ai rencontré dans ma vie des tas d’individus qui jamais au grand jamais ne se sont posés de telles questions existentielles. Comme il existe dans la culture qui m’a vu naitre de tels individus, et que apparemment ils ne s’en portent pas plus mal pour autant (ni mieux d’ailleurs) il y a fort à parier qu’il en va de même dans les autres cultures.
J’ai rencontré au cours de mon existence des centaines d’individus qui à la seule évocation de problématiques existentielles, me regardaient avec un air parfaitement ahuri, et je voyais que ces gens-là n’avaient pas la plus petite idée de ce que pouvait être une question, une interrogation sur leur condition. Celle-ci se déroulait au jour le jour dans un cadre de référence inexprimable pour eux, et jamais ils ne s’étaient posé de questions troublantes. (Relire Les oiseaux de passage, de Jean Richepin).
La capacité d’une personne à s’interroger sur sa condition humaine est tributaire de son éducation. À savoir que dans un milieu donné, où il se pose depuis toujours des questions fondamentales, on trouve de génération en génération (je parle ici d’une façon très élargie, je ne veux pas limiter cette remarque au seul milieu familial) des individus qui reprennent le flambeau de la grande quête existentielle.
Alors qu’ailleurs non seulement la question ne se pose pas, mais on n’en a même pas conscience. On trouve des degrés dans l’ignorance comme dans le savoir. Bien téméraire serait celui ou celle qui voudrait porter sur ce sujet des jugements définitifs.
Pourtant, comme il s’en trouve hein ! Nous en connaissons tous de ces gens qui savent, de savoir su, on se demande d’ailleurs comment (je devrais dire par quel aveuglement) que leur foi est éminemment vraie ! Qu’elle représente du solide, de l’indiscutable, du fondamental ! D’où le terme de fondamentalisme à propos des discours délirants de tous ces croyants, qui savent des choses ignorées par d’autres.
Qui prétendent, de manière généralement tonitruante, que ce qu’ils savent eux est de l’ordre du divin, du sacré ! La belle affaire ! Bref qu’ils ont sur tous ces étranges mystères, enrobés d’autant d’énigmes fantasques, toutes plus absconses les unes que les autres, des lumières dont ils sont les dépositaires privilégiés, et qu’ils partagent avec d’autres illuminés de leur espèce.
Ils se promènent livre sacré en main (à moins qu’ils ne l’aient écrit sous l’effet d’une possession quelconque… brrr) et vitupèrent avec une conviction névrotique, sur les qualités et les vertus que chacun doit posséder pour accéder éventuellement à un au-delà virtuel, où règnerait une sorte de justice idéalisée, reflet pathétique de vieux fantasmes archaïques.
Toujours sur le thème d’un prétendu bonheur, sempiternellement frustré pendant l’existence, et qui là, trouve enfin à s’épanouir. Pour l’éternité par-dessus le marché !
Rien de moins !
Il se trouve que la masse des croyants a plutôt une foi de charbonnier. Elle fait partie de leur éducation et ils ne s’en formalisent jamais. Ils viennent au monde avec, vivent avec et meurent avec. Voilà tout.
Un simple examen des extravagances ''sacrées'' de l’histoire montre à quel point les délires religieux sont simplets. Qu’ils se ressemblent tous, et qu’avec le temps ils tombent en ruines. Au point que les monuments érodés et vermoulus, éparpillés un peu partout sur la planète, derniers témoins des ferveurs antiques, ont mieux résisté au temps, que les croyances absolutistes de ces époques révolues.
La mouvance fondamentaliste actuelle (je parle ici de tous les fondamentalismes) semble d’autant plus incompréhensible, qu’elle est l’objet de gloses, d’analyses comparatives aussi songées qu’impertinentes qui tentent justement d’expliquer l’inexplicable. Aussi bien pelleter les nuages avec une fourchette.
Je suis médusé, vraiment oui, c’est le mot qui convient, quand certains jours ouvrant mon téléviseur ou écoutant la radio, j’entends le tapage verbal de tous ces prédicateurs vociférateurs, venus de tous les milieux, répétant inlassablement les mêmes platitudes au sujet de tous ces traine savates de prophètes des temps archaïques.
Ceux-là même qui ont accouché autrefois, pour notre malheur actuel ces dogmes révélés, ces dictats insensés au sujet desquels on continue de s’entre égorger à qui mieux mieux, partout sur notre planète.
Comment réfuter sereinement toutes ces croyances venues des époques où la condition humaine n’était pas autre chose que celle des hommes des cavernes ? Ne prenez pas la mouche ici, c’est seulement une image. Comment le faire sans risquer de se faire trancher la gorge ? Parlez-en à Salman Rushdi par exemple.
De ces morales compliquées qui présidaient aux destins de populations nomades ou semi nomades il y a quatre ou six mille ans, il faut retenir que ces communautés humaines vivaient à ces époques reculées, des existences à peine différentes de celles des animaux, intimement confondues ensemble.
Pourquoi les aventures d’un petit araméen ? De toute évidence un illuminé parmi tant d’autres. Il y en avait combien de ces illuminés il y a deux mille ans, agglomérés en autant de groupuscules, de gangs pour tout dire, et qui formaient autant de sectes, apparaissant et disparaissant aux hasards des montées des mécontentements d’alors ? Ils devaient être innombrables les motifs de mécontentements non ?
Comment de telles fables (évangiles ou prophéties) peuvent-elles être encore de nos jours pour tant de gens de telles références ? Surtout, avoir sur eux une telle influence ? Si ce n’est que tous ces croyants acceptent de subir avec une relative insouciance, dans laquelle il entre certainement beaucoup d’ignorance et de paresse, le poids d’une tradition, et pas autre chose. Tradition qui pèse sur eux (et par voie de conséquence sur nous aussi) au point de les écraser vraiment.
Cela fait des siècles que ça dure. J’ai un compte à régler avec le christianisme, je ne m’en cache pas. Pas plus que je ne vais m’en priver. Je suis choqué lorsque je constate chez des amis des proches, qui sont vraiment oui vraiment des athées, des non-croyants qui s’affichent comme tels, ces retours incompréhensibles qu’ils effectuent comme ça certains dimanches, alors qu’ils emmènent leurs petits à l’église du coin, pourquoi ?
Pour qu’ils voient, pour qu’ils écoutent, pour qu’ils sachent ? Je voudrais leur demander quelle nostalgie les tracasse ? Ils ne trouvent certainement pas nécessaire d’éduquer leurs petits au sujet de tous les évènements sportifs, soccer, hockey, baseball, marathons, football, ski, tennis, volleyball, planche à voile, et ainsi de suite. Ces évènements sportifs sont des sortes de messes collectives qui favorisent des comportements identitaires, où généralement parlant l’adhésion se fait par goût formé, sous la pression publicitaire proche ou éloignée.
Je veux dire ici que les adeptes de tous les sentiments religieux veulent en expliquer les fondements par l’action de leur entité, de leur dieu. Selon eux, la croyance serait inspirée, et serait en quelque sorte détachée de la conscience humaine. Cet esprit-là serait une sorte de souffle, que l’esprit humain quoique inférieur pourrait capter, et ainsi en profiter pour grandir.
Ce n’est pas vrai, le sentiment du divin, n’en déplaise aux croyants de tous acabits, n’échappe absolument pas aux configurations de la conscience humaine. Loin d’en être l’origine, il en est une émanation, sacrilège ou pas. C’est comme ça. Je défie n’importe quel exégète de prouver le contraire. Ou plutôt non, je ne le défie pas, je m’en contrefiche. Qu’il aille prier si ça lui chante, j’ai autre chose à faire.
Ainsi le sportif amateur, massivement passif, est pris dans le tourbillon passionnel spectaculaire du sport à cause de ses parents, de son quartier, de sa société tout entière qui le pousse vers cet intérêt-là. Il est certain qu’il y a eu des époques où le sport a été lui aussi déifié.
On sait l’importance que les Grecs et les Romains attachaient à la chose sportive, à l’exercice. Et pas seulement les Grecs et les Romains, mais les Mayas, aussi les Celtes, et beaucoup d’autres civilisations aujourd’hui disparues.
Il y a donc dans le fait d’être porté vers le sport, une sorte de ferveur qui ressemble étrangement à celle de la religion. Sauf que ce goût là n’a plus de nos jours la charge émotive, mystique, que charrie encore la religion. Alors pourquoi choisir de mettre ses petits en contact avec les simagrées somptueuses des églises ? Ne dirait-on pas qu’il y a là l’effet d’une sorte d’assurance OKAZOU ?
Laissez donc vos enfants tranquilles. Ils iront voir par eux-mêmes, si un jour ou l’autre le besoin de dévotion s’empare d’eux. Les religions sont dangereuses. Elles le sont toutes.[1]
Les sports aussi sans doute, mais ce n’est pas la même chose. Tous les amateurs de sports, tièdes ou furieux avérés, savent que le sport est un jeu. Les religions sont plus que du jeu. Ce sont des démarches exaltées au sens cataclysmique du mot, et elles servent à enrôler, à circonvenir les esprits.
Si au cours des siècles on avait toujours donné le choix aux enfants, si on avait attendu qu’ils soient majeurs et émancipés pour leur proposer une profession de foi, nous pourrions au moins considérer que les religions respectaient le libre choix des individus.
Ce n’est pas ce qui s’est passé. Les enfants n’ont pas eu ce choix. Les enfants n’ont pas le contrôle de leur propre éducation. Par définition, ils dépendent de leurs parents. C’est aux parents de les guider. À condition que les parents en soient capables, ce qui est loin d’être toujours démontré. En fait la liberté a toujours poussé sur les fumiers religieux. La liberté est une protestation contre les dogmatismes.
Pourquoi diable, les élucubrations d’un misérable va-nu-pieds, qui était hanté par des délires issus d’un Soleil qui lui tapait le crâne, au milieu d’un désert de sable et de roches brulantes, alors qu’il se proclamait lui-même prophète d’Allah, il y a quinze siècles, ont-elles encore une telle emprise sur les peuples qui pratiquent l’Islam ? Et ce que j'en dis ici est valable aussi pour Jésus, Lao Tseu, Bouddha, et tous ces gourous actuels et passés, qui prétendent gérer la conscience d'autrui. Ils sont tous à mettre dans le même sac.
Lisez ou relisez ce qu’en dit Voltaire dans Micromégas quand il aborde les rivalités entre l’Occident et l’Orient. Une simple et sordide histoire de chapeaux et de turbans qui va se faire se dresser les uns contre les autres, cent milles fous furieux qui s’entretuent au nom de concepts dont ils ignorent tout.
Des peuples des temps anciens les plus archaïques, en passant par les peuples romanisés et christianisés, et ensuite les peuples arabiques et tous les autres qui ont embrassé la religion de Mahomet, on retient qu’ils sont les héritiers de sociétés essentiellement patriarcales. Dont les modes de vie et d’existence étaient ruraux et bucoliques si on veut, pastoraux. Alors que l’élevage des animaux, domestiqués depuis quelques millénaires à peine, formait le gros de l’activité économique, terreau des cultures d’alors.
De même qu’il y a cinq ou six mille ans, les grandes cultures que sont les civilisations asiatiques actuelles, se sont développées de manière originale sur des bases semblables. Il est assez étonnant de constater qu’au-delà des maniérismes locaux, les préoccupations des antiques civilisations se ressemblent toutes.
Encore convient-il de dire ici que le mode de vie rural est encore très dominant aujourd’hui dans certaines contrées, et pour ce qui est des nôtres, cette façon de vivre était le lot d’une écrasante majorité il y a encore à peine cinquante ans. Il est certain que les références religieuses issues de ces modes de vie communautaires sont devenues de moins en moins pertinentes au fil des dernières générations, et qu’elles sont devenues également de plus en plus ineptes, au point d’être maintenant absolument dangereuses pour l’espèce humaine tout entière.
On craint la bombe atomique, la bombe démographique ou la bombe alimentaire, qui au fond en elles-mêmes sont bien moins dangereuses que toutes les exaltations religieuses. Parce que ce sont les religions en fin de compte qui fourniront les éventuels prétextes aux explosions atomiques, démographiques ou alimentaires.
Jamais au cours de l’histoire des hommes n’avons nous été confrontés avec des problèmes qui sont planétaires. Nous commençons à peine à développer les réflexes qui nous permettront (espérons-le) de conjurer dans l’avenir le plus immédiat, les affrontements qui ne manqueront pas de se produire à cause d’intérêts égoïstes dépassés, qui s’obstinent à demeurer vivaces.
Méchant problème, et si je ne suis pas de nature foncièrement pessimiste, il y a de quoi frémir quand on y pense sérieusement.
J’exagère ici, pour faire image, parce qu’au fond, nos héritages culturels sont ce qu’ils sont. Il se fait heureusement de nos jours des brassages salutaires qui permettent de relativiser considérablement la valeur des contenus culturels propres à chaque peuple. Je considère qu’il y a là une ébauche de progrès véritable.
Espérons ! Mais n’espérons pas passivement. Si nous voulons que le Monde s’améliore vraiment, qu’il soit soumis aux véritables progrès humains, qu’il devienne vraiment plus vivable, plus sécure, il faut que les gens tolérants, éclairés, agissent. S’ils ne le font pas, ce seront toujours les mêmes furieux, méchants, abrutis, assoiffés de haine, vociférateurs et sectateurs de tous les archaïsmes criminels qui occuperont tout le terrain.
Nul n’est besoin ici de contrer toute cette fureur, cette violence, en y ajoutant un surcroit de vilénie policière, seulement capable de créer des climats de peur. Ce n’est pas ce qu’il faut.
D’abord, faire preuve de fermeté éclairée et choisir délibérément (le mot le dit, par la délibération, les prises de consciences multiples, les échanges et les engagements) la Société Civile. En faire la promotion et surtout la défendre contre toutes les agressions.
On ne sait pas grand chose au fond des climats culturels qui ont permis et favorisé l’éclosion de ces religions délirantes à plusieurs titres. (Je suggère ici la lecture de Jean Bottero).[2] Ces religions charrient avec des variantes à saveurs locales, les mêmes dictats articulés autour de rituels compliqués.
Lesquels à force d’intransigeances maniaques quant aux simagrées liturgiques, sont petit à petit devenus ces boulets, ces prisons, ces bagnes psychologiques, qui enferment tels d’abominables camps concentrationnaires aujourd’hui, des millions d’individus dépouillés de leur libre arbitre, de leur liberté, de leur conscience.
J’entends les arguties monstrueuses des défenseurs de l’idée de dieu qui mettent la science en demeure de prouver sa non existence. Depuis des centaines d’années, la science a cherché et apporté des centaines de millions de réponses aux problèmes naturels et sociaux. Il a fallu se désaliéner des croyances et entreprendre la classification des roches, des plantes, des insectes, des animaux et des microbes. De tous les phénomènes qui les lient ensemble, pour en expliquer la dynamique naturelle. Autrement qu’en faisant appel à la magie, à l’irrationnel.
Cela a été et est de plus en plus efficace. La science apporte effectivement des millions de réponses à des centaines de millions d’interrogations, tout en proposant de nouvelles interrogations parfaitement inédites, originales, spectaculaires, qui n’étaient même pas concevables sous l’ancien régime religieux. Cela se fait tous les jours, partout.
Le cadre général familier de toutes les interrogations s’étend maintenant sur un Univers d’une complexité telle qu’aucune religion n’a jamais pu l’approcher. La preuve de l’existence de dieu n’incombe absolument pas aux scientifiques, mais bel et bien aux promoteurs de la foi sous toutes ses formes. Ce ne sont plus les croyants qui doivent demander des preuves aux scientifiques, mais le contraire. Si dieu existe tel que vous l’expliquez avec tous vos raisonnements depuis cinq ou six millénaires, hé bien maintenant prouvez-le ou taisez-vous.
La science a bel et bien le projet de tout expliquer, mais elle doit avoir aussi le souci de ne pas reprendre à son compte les errements du passé.
De ne pas refaire la même démarche que celle des prêtres anciens. La science a une obligation de résultat que la religion méprise, et la science trouve effectivement des preuves de ce qu’elle avance. Le catalogue des découvertes scientifiques depuis cinq cents ans est absolument sans commune mesure avec les platitudes magiques mille fois ressassées par les religions depuis les derniers millénaires. La défaite religieuse est totale mais la plupart des gens l’ignore.
L’immense part de mystère qui sollicite maintenant les esprits curieux et avides, ne vient plus des religions mais des sciences. Les religions continuent d’ânonner les mêmes fariboles en y ajoutant ce surcroit de mépris fait de refus, qui caractérise les perdants de toutes les causes indéfendables. Nous sommes à l’aube du XXIe Siècle, alors que nous partons pour les étoiles.
Ces époques qui ont vu naitre ces manifestes sanguinaires, étaient d’une sauvagerie dont nous n’avons qu’une idée approximative, malgré nos propres débordements quotidiens. Encore faut-il être formidablement informé pour arriver à s’en faire cette idée approximative. Qui ne soit pas elle aussi le résultat d’une ultime démarche interrogative angoissée, fondue au creuset d’une foi douteuse (comme toutes les croyances). Qui s’interroge avec inquiétude sur la persistance de fantasmagories toujours présentes !
Ce qui est encore plus étonnant, je devrais dire choquant, c’est que l’on retrouve sous la plume d’écrivains apparemment talentueux, capables de poser des questions pertinentes et d’y apporter des réponses également éclairées, autant de remises en questions sur le thème de cette foi lancinante qui torture et qui persiste à subjuguer des esprits qui se veulent forts, et qui ne sont que compliqués.
Cette canaille de Maurice Duplessis, célèbre politicien autoritaire des années 40 et 50 au Québec, disait, non sans bon sens : «L’instruction c’est comme la boésson, y en a qui portent pas ça ! »
Au-delà de ces amusantes considérations, je voudrais proposer au lecteur un petit voyage d’introspection. En lui demandant de ne pas perdre de vue, que le vrai sérieux ne se prend pas au sérieux. Qu’il s’examine loin de toute morbidité, et qu’il prenne conscience de ses contenus culturels. De ce qu’il est à cause d’eux, et qu’il fasse l’effort de se remettre en question le temps d’une lecture.
Il y a des existences qui sont dramatiques certes. Pour beaucoup d’êtres humains elles sont tragiques. Pour la plupart d’entre nous, citoyens de démocraties qui se veulent exemplaires depuis cinquante ans, l’existence au jour le jour se conjugue sous le signe de la routine, celui de l’ennui et des petites joies qui baignent dans de lourdes peines, pas vrai ?
Nous sommes de grands incompris, pour nous-mêmes et pour les autres, c’est entendu. On ne va pas en faire tout un fromage. Si nous voulons un tant soit peu arriver à comprendre le sens de notre existence, il faut tâcher de comprendre la Vie elle-même. Ce qui implique de l’examiner dans le milieu qui la fait, qui la baigne. Qui est la substance même au sein de laquelle la Vie tire son énergie si particulière, si singulière, si étrange, si profondément mystérieuse.
Au point que tous ceux qui ont prétendu pouvoir en expliquer la phénoménologie, en faisant intervenir des puissances en quelque sorte extérieures au Cosmos, à l’Univers (des dieux pour appeler ces prétendues entités par leur nom) n’ont fait que reporter en avant dans le temps la compréhension de cet état d’être, inhérent à la condition vivante, à fortiori à la condition humaine. J’ai moi aussi, pour ceux que ces problèmes intéressent, l’embryon d’une réponse à ces vastes considérations. Cette réponse-là est justement dans ce qui nous fait nous interroger sur notre état d’être.
C’est extrêmement difficile à mettre en mots, parce que les mots eux-mêmes sont fortement connotés de tous les errements de la pensée discursive (celle qui s’exprime avec des mots) et qui tâtonne depuis des millénaires. Chaque mot, chaque phrase, chaque énoncé, sont autant de pièges linguistiques, entourés de chausse-trappes sémantiques, qui viennent embrouiller la pensée qui se cherche. Il y a beaucoup de penseurs depuis des siècles, qui cherchent avec plus ou moins de bonheur, à définir un cadre de référence qui pourrait permettre d’avancer dans cette opacité. Dans ce brouillard qui forme l’horizon interrogatif de la conscience.
Puis d’abord pourquoi on pense ? Comment se fait-il que nous ayons si peu de contrôle sur nos propres pensées ?
Il y a des philosophes qui ont apporté des débuts de réponses. C’est très bien la philosophie, cela peut vous mener assez loin. Quoi qu’il y ait souvent, dans la pratique philosophique, celle qui cherche à comprendre (cela varie d’une école de pensée à l’autre) une dimension finaliste qui n’ose pas toujours porter son nom. Laquelle sous tend au fond, que le philosophe doit parvenir à débusquer «la» Vérité, avec un grand V afin de donner tout son sens à son existence. C’est le travail de toute une vie, et tous les philosophes ayant tenté de résoudre les énigmes de la vie, se sont tous magistralement plantés. Souvent avec beaucoup de panache, et plus souvent encore avec plus de talent pour les démonstrations convaincantes que convaincues.
Entendre ici qu’il est assez patent, quand on prend connaissance des fondements d’une philosophie, à quel point le philosophe de service, qui se met au service d’une cause, en fait la promotion, la défend, est lui-même peu convaincu quand à la valeur réelle de sa démarche.
On pense par exemple à Pascal qui proposait de «parier» sur l’existence de dieu, en disant qu’il s’agissait là d’une démarche plus valable que son contraire. Au fond l’idée qui domine chez Pascal c’est que la croyance en dieu est porteuse d’espoir, donc de possibilités de dépassements, alors que le constat de l’inexistence de dieu, implique la désespérance de la condition humaine.
Point de vue absolument indéfendable quant à moi. On trouve là les limites de l’intelligence de Blaise Pascal qui savait qu’une croyance est forcément un mensonge, et que cela constitue au fond un cul de sac philosophique. Ce qui ne l’empêchait pas de vouloir quand même y pénétrer. Disons à sa décharge que ce n’était pas toujours évident, compte tenu des temps obscurs dans lesquels il vivait. Il n’était pas le seul à tenter de résoudre un problème par essence insoluble. Or pourquoi le problème de la compréhension de l'humain reste-t-il insoluble à partir des interrogations religieuses?
Parce que les interrogations religieuses sont toutes autant d'impostures, voilà pourquoi.
Plusieurs ont payé leur audace de leur vie. Il n’est jamais complètement éteint le bucher qui doit punir les imprudents qui osent s’interroger trop hardiment au sujet de pouvoirs que des puissances maléfiques veulent garder pour elles. Je ne fais pas ici du tout du tout dans la peur du croquemitaine qui comploterait contre la recherche, et dont il conviendrait de se prémunir. Nous vivons une époque heureuse et trouble en même temps, où toutes les interrogations sont permises. Une époque trouble, alors que tous les sectarismes se déchainent avec une rage accrue. Paroxysmes qui montrent bien que le tapis du pouvoir est en train de glisser sous les pieds des derniers défenseurs de vérités révélées.
On ne peut pas se réjouir de la poussée actuelle du terrorisme, mais je ne peux m’empêcher de constater qu’il en sortira avec le temps des effets salutaires. En ce sens qu’ils obligent bien des croyants à se remettre en question, et que toutes ces violences à la fin auront un effet de désenchantement sur des masses encore subjuguées par des traditions morbides.
Je pense ici que nous allons collectivement vers un espace de liberté jamais atteint auparavant.Cette liberté élargie ne sera pourtant pas accueillie partout avec des démonstrations de joie exaltée. Elle représente un héritage pour ceux et celles qui la voudront bien. Il y aura encore et encore de vastes combats à livrer contre les puissances de la bêtise, de l’aveuglement dévot et surtout contre la force d’inertie qui cloue au sol de la fatalité, de la résignation, ceux et celles qui n’ont ni le pouvoir ni les moyens de se désaliéner des croyances antiques, et aussi de croyances plus récentes.
Il faut constamment reprendre le propos de la Liberté, le remodeler en formes actuelles et finalement on n'ajoute rien de nouveau, rien qui n‘ait déjà été dit. On en change la forme c’est tout, et pas nécessairement avec autant de talent que nos prédécesseurs.
Toutefois, il y a dans le fait de vouloir partager avec d’autres notre volonté de recherche, quelque chose qui fait justement de nous des humains. Si cela ne nous crée pas nécessairement des obligations envers tout le monde, cela nous apparente à tout le monde, c’est déjà ça de pris… et de donné.
Parce que ne nous y trompons pas, notre époque comme toutes les époques, est fertile en délires trompeurs. Trop de gens encore ont soif d’absolu, et sont prêts à se jeter dans les rets de n’importe quelle secte plus ou moins rédemptrice, plus ou moins libératrice. Qui propose une doctrine quelconque, sorte de potion «améliorée» capable de soulager le mal de vivre. Les vendeurs de prêt à penser sont aussi nombreux que les vendeurs de fast food, et de bébelles de toutes sortes.
Combien de fois ne vous a-t-on pas dit qu’il était dangereux de penser ?
Sous entendu, qu’il est dangereux pour le salut de son âme, d’entretenir un esprit critique. De chercher à comprendre par soi-même ! C’est la base de toutes les religions. Le Livre pense pour vous. Lisez-le, méditez-le, et apprenez-le par cœur. Ainsi vous serez sauvé. De quoi ? D’horribles tourments, de tortures infinies si vous n’obéissez pas ! Foutaises ! Est-ce qu’on peut réellement «trop» penser ?
Alors qu’il me parait assez clair à moi, que loin de trop penser, la plupart des gens se satisfont de poncifs lénifiants. De déclarations arrangées sur à peu près tous les sujets.
Incidemment, remarquez à quel point on interroge tous les jours, à la radio et à la télévision, des tas de monsieur et madame tout le monde, sur des tas de sujets auxquels la plupart n’entendent goutte, et qui sans vergogne aucune, profèrent sur un ton convaincu, des opinions pour la plupart ramassées dans leur journal du matin, leur magazine préféré.
Quand ce n’est pas auprès de telle ou telle commère bavarde des deux sexes, comme il y en a tant dans les médias qui prétendent nous faire continuellement la leçon. Quelle engeance ! Allez-vous enfin vous taire, tas de cuistres ?
À quel titre suis-je tenu de me prononcer sur la guerre en Tchétchénie[3] ? À moins d’être informé sur ce qui se passe dans ce pays, qu’on ne me présente jamais que comme étant un état trouble, en rupture de ban avec un empire éclaté. Et que dire sur l'Afghanistan ?
Qui a toujours été lui-même une formidable énigme enrobée de mystère, comme le disait hier encore un célèbre politicien, aujourd’hui disparu ?[4]
Voilà des contrées formidablement exotiques, d’où me parviennent à l’heure du souper au petit écran, des rumeurs hachurées, présentées avec des images choisies (par qui ?). Après quoi on me met en demeure de prendre position, sous peine de passer pour un débile.
Pendant la guerre du Kosovo, j’ai bien dû lire au moins une centaine d’ouvrages de géographie comparée, au sujet des Balkans et de leurs démêlés avec l’histoire depuis cinq siècles. Alors que depuis des années, je suivais les mouvements sociaux politiques extrêmement violents qui s'affrontaient dans cette partie de l’Europe.
Malgré quoi, c’est tout juste si armé de toute cette information, et y ajoutant mes connaissances sur l’Europe l’Amérique et mon pays, alors que le Monde entier était plongé dans ce drame, j’arrivais à me faire une quelconque idée de ce qui pouvait bien s’y tramer.
Chaque fois qu’il y a un conflit dans le Monde, c’est le même cirque qui recommence. La formidable machine à rumeurs, alimentée par tous les médias qui se contredisent et se passent aussi les mêmes informations fragmentaires, se met en branle et occupe tout le glacis de l’information.
Le citoyen conscient et désireux de comprendre les choses, est alors noyé dans des flots de bouts d’événements, de racontars plus ou moins horribles n’ayant ni queue ni tête. Ces informations macabres et d’un pittoresque à glacer le sang, n’étant pas reliées entre elles en une perspective synthétique, le citoyen est accablé par l’impuissance dans laquelle il se trouve de ne pouvoir y entendre quoi que ce soit, alors que cette même impuissance intellectuelle se double d’une incapacité d’agir, pourtant parfaitement compréhensible.
De crainte de passer alors pour un imbécile, il se sent comme obligé de reprendre avec tout le monde, les bouts de commentaires retenus ici et là. Surtout ceux qui sont repris par toutes les chaines ad nauséam. Le voilà bien avancé, et comme tout ça fait également progresser le progrès si je peux me permettre.
Qu’on me comprenne bien ici, je pense qu’il est utile à la paix dans le Monde, qu’une majorité de gens soit informée sur ce qui s’y passe, chez soi comme ailleurs. Au fond on pense collectivement quand on prend connaissance de tout ce qui se passe. Cela a pour effet de provoquer ici et là des prises de consciences enrichissantes.
L’information, surtout celle qui se diffuse par les médias, à grands renforts de mensonges et de manipulations, finit par provoquer l’effet contraire de celui souhaité par les malfrats de toutes espèces, qui cherchent pour des motifs intéressés et parfaitement malsains, à tromper l’opinion.
C’est un constat rassurant. Je veux dire que ce qu’il y a de rassurant dans ces démarches pourtant malsaines, c’est justement que l’opinion générale ne soit pas dupe de ces manœuvres malveillantes.
Il est très rassurant de constater qu’au fil des mois et des années l’opinion générale demeure sainement cynique et ironique, face aux tentatives permanentes d’abrutissement collectif. Heureusement pour nous, nous savons d’expérience que cette opinion la Vox Populi, est puissante, et qu’elle se manifeste parfois de manière efficace.
Les pouvoirs publics, surtout dans les pays fortement démocratisés, doivent compter avec cette opinion. Ce pourquoi il faut constamment renforcer la qualité de l’information qui éclaire cette opinion. Mais c’est un outil difficile à manier et d’un usage dangereux. L’effet médiatique est d’autant plus pernicieux que les médias sont arrogants. D’ailleurs, ce n’est un secret pour personne que la plupart des médias sont sous la gouverne de puissants intérêts privés, dont les visées de pouvoir sont dangereuses pour la Liberté. Il faut donc entretenir et surtout encourager une presse parallèle qui puisse faire contrepoids aux puissances mercantiles.
Le problème se complexifie alors du fait que ceux qui doivent rétablir les faits, ne disposent jamais des même moyens que leurs adversaires, alors qu’ils doivent constamment être sur la défensive. La presse parallèle, et avec elle la nébuleuse de plus en plus puissante heureusement, des organisations qui forment ce qu’on appelle communément la Société Civile, doivent constamment guerroyer sur le terrain même de leurs adversaires.
Ainsi ils sont entrainés dans d’interminables polémiques parfaitement épuisantes, qui sapent leur capacité d’agir au mieux des intérêts du plus grand nombre. Ils sont à leur tour manipulés par leurs adversaires qui se servent d’eux. À la fois pour les discréditer et pour parvenir à leurs fins. C’est là que la conscience individuelle doit intervenir. Outre la nécessité de devoir se tenir informé de ce qui se passe autour de lui et ailleurs, l’individu citoyen doit développer un puissant esprit critique qui lui permettra de faire la part des choses. On me dira que c’est difficile, voire épuisant. J’en conviens, mais ne pas le faire c’est mortel.
Je ne demande certainement pas que chacun soit capable de tous les discernements. Il suffit, mais il faut qu’il y ait au sein de toutes les sociétés, des groupes des noyaux solides de citoyens, qui puissent intervenir au profit du bien général. Même s’ils se trompent, il s’en trouvera d’autres pour corriger le tir. L’information est une chose trop importante pour être laissée aux seuls soins des professionnels. Pour parler stratégie, je dirais qu’en matière d’information, chacun peut trouver son créneau. Qu’on se le dise, une presse concentrée est une presse concentrationnaire.
Puis quoi ! Le peuple n’a-t-il pas le nombre pour lui ? Je sais bien qu’on abuse du terme de peuple, et qu’il s’agit d’une abstraction sociale remplie de groupes hétéroclites. Depuis au moins deux millénaires sinon plus, cette idée de peuple a fait son chemin. En plus d’avoir servi de prétexte à d’effroyables dérives sanguinaires, surtout au XX ème Siècle, elle est au cœur des préoccupations des philosophes qui cherchent à lui définir une sorte de conscience collective d’abord, planétaire maintenant, à partir de quoi les individus, toutes sociétés confondues, pourront s’y référer avantageusement. Nous y sommes presque.
Un Monde meilleur n’est pas une finalité en soi. C’est une étape dans le dépassement collectif. Il est plus que temps que les humains prennent conscience individuellement et collectivement, de la nécessité dans laquelle ils se trouvent, de se désaliéner des dictats du passé. Ça urge ! C’est très précisément à cause de leur emprise sur les individus et les peuples que toutes les religions ont établi leur pouvoir et exercent leur puissance. Rappelez vous : «C’est parce que nous sommes à genoux qu’ils sont puissants». Les communistes savaient et savent encore que la religion est l’opium du peuple, et le communisme n’est pas autre chose qu’une religion, qui avait et a encore ses dévots. Il en va de même pour tous les «ismes», qui à des degrés divers, sont tout autant malfaisants. Simple question en somme de perspective.
Les religions procèdent à partir de tas de récits parfaitement fragmentaires. Par exemple un évènement extrait d’une époque et dont on veut se servir pour expliquer et marquer la dite époque du fer rouge d’une préférence arbitraire comme toutes les préférences. Pour ensuite la monter en fables édifiantes, qui seront alors servies pendant des siècles à des masses subjuguées.
La parole est puissante lorsqu’elle sert à circonvenir des sociétés trop abruties par le travail, les gabelles et les corvées, pour oser se révolter, et être en mesure de se détourner avec dégout de ces atteintes malsaines à la dignité humaine.
Toutefois il arrive que la parole ait un effet libérateur parce qu’elle répond à des interrogations locales angoissantes. Cette parole propose un espoir. Malheureusement, une fois l’espoir comblé, cette même parole, profitant d’un succès qui ne devait être que passager, et qui devait ouvrir la porte à d’autres interrogations encore plus chargées de progrès, de Liberté, se change en doctrine et devient aliénante. On sort d’un esclavage pour tomber dans un autre. C’est parfaitement rageant.
Depuis une décennie on assiste à une sorte de retour en force de ces religions, mais je suis presque sûr (prudence) que cet engouement n’est que passager. La religion comble un vide spirituel. Elle occupe l’esprit. Ne peut-il pas s’occuper à autre chose qu’à psalmodier des incantations ? À ruminer sempiternellement des vieilleries les genoux par terre ou le front dans la poussière ?
Ce qu’il y a de plus étonnant dans cette farce collective millénaire grotesque, c’est que la Liberté sous l’égide de l’intelligence ait pu quand même fleurir, et que nous ayons de nos jours un peu de science prometteuse. Science qui pousse comme une fleur magnifique sur le fumier de tous les délires sacrés ou divins, qui empuantissent encore l’air qu’on respire.
Curieux qu’il y ait un peu partout au sein des cultures, des oasis de fraicheur intellectuelle, et qu’on trouve ici et là un peu de bien, un peu d’amour et surtout d’art. La seule chose vraiment qui pourrait revendiquer le terme de sacré si celui-ci n’avait pas été galvaudé au cours des siècles par autant de gredins ensoutanés, enturbannés ou cravatés.
Vrai, ça m’épate ! Ceci dit le sacré…j’m’en sacre!
N’oublions pas qu’il y a aussi science et scientisme. La science n’est pas exempte de délires. Hé oui ! Faut toujours garder l’œil ouvert. Sauf quand on dort. A moins de ne dormir que d’un œil.
Ah !
P.S. : Et puis oui, c'est incontournable, Il faut que le Québec devienne un pays indépendant.

Julien Maréchal

[1] Lire Libres Enfants de Summerhill, de A.S. Neil. Absolument incontournable pour comprendre les enfants.
[2]Quand les dieux faisaient l’homme. Lire également, de Fustel de Coulanges ''La Cité Antique''.
[3] Voir sur ce sujet de préférence, les journalistes et auteurs qui sont sur le terrain en permanence, et qui en font la chronique et l’historicité critique.
[4] Il s’agit de Winston Churchill.

mardi 21 août 2007

Les vacances sont terminées, les problèmes demeurent !

Mardi le 21 août 2007,

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